Cambodge

L’égalité des sexes ici et ailleurs

Suzin

Corée du Sud, recontre à Phnom Penh 

« J’ai vécu de nombreuses situations où je me suis sentie extrêmement vulnérable »

Mon nom est Suzin Bahc, j’ai 31 ans. J’habite actuellement à Melbourne, en Australie, mais je suis originaire de Corée du Sud.

A l’époque où je vivais encore en Corée du Sud, j’ai vécu des situations où je me suis sentie extrêmement vulnérable. J’ai aussi connu des situations où les gens me désapprouvaient, parce que je ne correspond pas à ce qu’une femme doit être en Corée du Sud, je ne cadre pas avec le rôle et l’image traditionnels de la femme coréenne.

Je réalise que moi, je jouis d’un certain nombre de libertés. Mais il y a une part importante de femmes en Corée du Sud qui sont mécontentes de la place que la société coréenne donne aux femmes. Nombre d’entre elles souhaitent se libérer des règles et traditions conservatrices qui les limitent.

Pour ma part, j’ai toujours voulu devenir une femme indépendante et rester célibataire aussi longtemps que cela me plairait. Toutefois, le rôle de la femme dans la société de Corée du Sud est toujours très limité à cette perception de la femme qui n’a pour seul objectif que de construire une famille, de se reproduire, et de vivre à jamais heureuse dans son rôle d’épouse et de mère. À moins que de par sa carrière, elle puisse être reconnue et valorisée autrement.

Toute mon enfance, j’ai rêvé d’une vie qui est assez similaire à celle que je vis actuellement, mais avec peut-être plus de hauts et de bas que prévus !

Lorsque j’étais petite fille, j’espérais qu’une fois adulte je mènerai ma vie de manière indépendante dans un milieu culturellement divers, avec éventuellement des échanges internationaux… ce genre de vie. Désormais, je souhaite que les jeunes filles poursuivent leur but dans la vie, tout en conservant leur dignité, en respectant les autres autant qu’elles se respectent elles-mêmes.

Nous vivons dans une époque où il est facile de se replier sur soi-même et de ne penser qu’à ses propres rêves, ses propres envies, sa propre personne. Mais j’espère que les jeunes filles de la nouvelle génération resteront fidèles à elles-mêmes et respectueuses des autres.

“J’ai reçu des commentaires sexistes et misogynes dans toutes les régions du monde où je me trouvais »

La société de Corée du Sud a changé rapidement et de manière considérable ces dernières années. La notion d’individu est devenue très populaire, notamment chez les jeunes. Notre société a également été façonnée par l’influence des courants de pensée libéraux des pays occidentaux, et de leur manière de vivre.

Dans le système éducatif en Corée du Sud, l’accent est mis sur l’égalité dans l’accès à l’éducation pour les garçons et les filles. Mais notre système souffre encore de lacunes, notamment pour encourager les étudiants à s’exprimer. Ça vient notamment de notre culture et de l’influence du Confucianisme.

Par conséquent, quand j’étais plus jeune j’ai toujours été très timide et anxieuse de parler en public et de partager mes opinions et mes idées, je craignais d’être critiquée. De sorte que j’ai toujours sous-estimé mes propres idées et mes propres opinions.

Quand j’étais jeune, j’ai travaillé dans une entreprise publique locale où la plupart des employés étaient des hommes dans la cinquantaine. Je nettoyais les bureaux, imprimais les documents, faisais le café et interagissais avec les clients quand c’était nécessaire. Cette expérience m’a fait l’effet d’un électrochoc. Il n’était plus question pour moi de me trouver un boulot ennuyant dans un environnement si masculin, où les femmes en étaient réduites à faire les boniches et de m’installer dans une petite vie tranquille en Corée du Sud.

Depuis, j’ai beaucoup voyagé. Je dois avouer que j’ai reçu des commentaires sexistes et misogynes dans toutes les régions du monde où je me trouvais.

Souvent, on m’a insulté et harcelé dans la rue. À chaque fois les coupables, des hommes, s’en sortaient tout simplement en continuant leur chemin, sans craindre d’être tenus responsables de leurs actes, de devoir s’excuser ou de se faire reprendre par un passant qui aurait assisté à la scène.  Ces cas de harcèlement sont durs à faire condamner, car ce sont des actes spontanés et fait au hasard. Néanmoins, un changement culturel est plus que nécessaire pour que les hommes soient conscients de ce qu’ils peuvent ou ne peuvent pas dire aux femmes, et de ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire aux femmes.

“Les femmes coréennes sont vues comme soit à la mode, soit timides, soit précieuses »

Aujourd’hui je vis à Melbourne, en Australie. En tant que jeune femme trentenaire de Corée du Sud, il est très intéressant de voir comment les femmes asiatiques sont perçues dans les pays occidentaux. De ce que j’en ai vu, les femmes coréennes sont vues comme soit à la mode, soit timides, soit précieuses. Dans mon opinion, les femmes asiatiques et/ou coréennes sont très mal représentées dans les médias, ce qui a pour conséquence de diffuser une image totalement erronée des femmes de cette région du monde et d’encourager les stéréotypes négatifs.

Pour cette raison, j’ai décidé de venir vivre en Australie. J’espère y parfaire mon anglais oral et écrit de manière à ce qu’un jour je puisse m’exprimer librement et clairement, et témoigner sur ce que c’est réellement que d’être une femme de Corée du Sud, car c’est bien plus de nuances que ce que l’on perçoit généralement.

“Ce n’était pas encore bien clair à l’époque, mais une partie de moi était déjà résistante aux critères de beautée traditionnels. […] Je me suis lancée dans un style plus extrême et je suis me suis tondu la tête. J’étais complétement chauve. »

Petite histoire sur ma coupe de cheveux! Je suis une femme asiatique avec les yeux fins, noirs et bridés et bien sûr avec des cheveux noirs de jais. Dans notre société Coréenne de consommation influencée par les célébrités de la culture pop, avoir des cheveux longs, raides et noirs est une référence de beauté.

Etant un peu originale, j’ai toujours voulu être différente du reste de la majorité des femmes autour de moi. Une de mes expériences un peu excentrique a été à propos de mes cheveux. Plus jeune, j’étais passionnée par les films français. Ces derniers m’ont inspiré à choisir une coupe de cheveux complètement décalée. Je me suis coupé les cheveux courts, chose assez inhabituelle et courageuse pour une jeune coréenne.

Ce n’était pas encore bien clair à l’époque, mais une partie de moi était déjà résistante aux critères de beautée traditionnels. Peu de temps après, je suis partie vivre et étudier au Costa Rica. C’est à cette période que je me suis complétement libérée des règles traditionnelles et de la pression que ma société faisait peser sur moi en tant que femme. Je me suis lancée dans un style plus extrême et je suis me suis tondu la tête. J’étais complétement chauve. Chauve comme une nonne bouddhiste.

A cette époque de ma vie, j’ai eu une sorte de révélation spirituelle. J’ai réalisé que ma force était à l’intérieur de moi et que mon apparence ne comptait pas. Sur le chemin du retour en Corée du Sud, les gens m’ont complimenté sur mon choix capillaire. Ils disaient que c’était unique, osé. Mais après avoir posé le pied en Corée du Sud, je me sentie beaucoup plus intimidée et moins sûre de mon choix. Les gens semblaient choqués, peut être même effrayés. De nombreuses personnes m’ont lancé des commentaires méchants disant que ma coupe de cheveux n’était pas appropriée pour une jeune femme.

“Quand ils sont opprimés, les êtres humains ont tendance à se montrer résilients et à surmonter les situations les plus dures »

Bien que les femmes soient socialement conditionnées pour se comporter d’une certaine manière, certaines tendent à montrer une certaine résistance à cette oppression, et cherchent à suivre leurs propres règles. C’est difficile de parler pour toutes les femmes mais pour moi, les femmes ont tendance à être plus ouvertes d’esprit et plus protectrices que les hommes. Quand ils sont opprimés, les êtres humains ont tendance à se montrer résilients et à surmonter les situations les plus dures.

 « Nous avons en commun notre féminité »

Pour moi, les femmes doivent se valoriser et s’entraider. Elles doivent s’exprimer. Elles doivent résister de quelque manière que ce soit. Elles doivent s’aimer pour ce qu’elles sont. Nous devons encourager l’originalité, la bizarrerie, la diversité et s’autoriser à être créatives.

Je souhaiterais que les femmes soient plus conscientes de leur valeur, des autres et du monde qui les entoure. Nous avons en commun notre féminité.

Nous sommes toutes nées filles, devenues femmes, dans un contexte différent, dans une culture différente, certes, mais nous demeurons avant tout des êtres humains.

L’autre jour je me disais que si je devais renaitre à nouveau j’aimerais que ce soit en fille. Les femmes sont diverses, pleines de nuances, sauvages et fortes.

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